La maison Bouthillier, sise au 240, rue Jacques-Cartier-Nord aurait été bâtie entre 1841 et 1859, probablement vers 1850 par l’avocat Joseph Delagrave. Lors de sa construction, la demeure comportait un étage et demi ainsi qu’une toiture à deux versants qui l’apparentaient au cottage en brique de la tradition néoclassique. A la fin du siècle, elle sera transformée afin d’en faire une demeure victorienne à l’ornementation élaborée. La maison Bouthillier a d’abord été la résidence de plusieurs maires de Saint-Jean, notamment : Joseph Delagrave, maire de 1854 à 1858 et de 1859 à 1860 ; Théophile Arpin, maire de 1873 à 1875 et Alexis Bouthillier, maire de 1919 à 1923. Le docteur Alexis Bouthillier, surnommé « le médecin des pauvres », député à l’Assemblée législative du Québec de 1919 à 1940, fait l’acquisition de cette demeure en 1913. Il la revendra aux Sœurs grises en 1932, qui la convertissent en résidence pour les infirmières de l’hôpital en 1937. Une grande allonge sera bâtie à l’arrière de la maison pour accueillir les infirmières. Suite à l’étatisation des services de santé, la maison a été convertie en CLSC et est aujourd’hui une résidence pour personnes âgées.
Dans son état actuel, la propriété se compose d’un corps de logis de plan rectangulaire à un étage et demi, d’une toiture à deux versants, d’une galerie, d’un balcon surmonté d’une tourelle couronnée par un épi. Le versant avant de la toiture est percé d’un grand pignon qui a la forme d’une mansarde.
Comme la plupart des édifices du Vieux Saint-Jean, la maison repose sur un solage de pierre et possède une structure apparente de brique rouge qui compte de deux à trois rangs d’épaisseur. Cette technique constructive – mur porteur de brique – disparaît au début du XXe siècle. De la tôle traditionnelle recouvre la toiture. La porte de bois surmontée d’une imposte ainsi que les fenêtres à guillotine ont été préservées. Le programme décoratif des résidences qui s’inscrivent dans le courant de l’éclectisme victorien est habituellement élaboré, et il puise à plusieurs sources pour créer un effet d’exubérance et de richesse. Une balustrade, des colonnes ouvragées, des aisseliers ainsi qu’une corniche à modillons ornent la galerie. Le garde-corps est repris pour le balcon, alors que la corniche à modillons est remplacée par une corniche à consoles massives. Le pignon possède un parement de bardeaux de bois aux pureaux découpés de manière variée. Les plates-bandes de briques posées en soldat et les retours de corniche appartiennent au programme décoratif original du cottage en brique.
La maison de la rue Jacques-Cartier Nord possède une valeur patrimoniale élevée. Il s’agit d’un bon exemple de résidence qui s’inscrit dans le courant de l’éclectisme victorien. L’éclectisme se manifeste à travers la décoration, car le corps de logis est antérieur et remonte aux années 1840 ou 1850. Ce type de transformation se rencontre fréquemment à la fin du XIXe siècle. De plus, son histoire reliée à des personnages importants de Saint-Jean ainsi qu’à l’hôpital lui donne une valeur ajoutée.